Menu Fermer

Cérémonie de collation de diplôme au Centre Professionnel Laura Vicuña de la Maison Provinciale!

Le dimanche 22 décembre 2024, le centre professionnel Laura Vicuña des Sœurs salésiennes de Don Bosco sise au # 22 de l’Avenue du Chili a procédé à la graduation de plusieurs récipiendaires en coupe féminine et masculine, en cuisine, en art floral dont la majorité était des femmes.  Elle s’est déroulée en présence des professeurs, des parents, des étudiants et des amis. Cette promotion est baptisée « Aurore ». Ces jeunes ont reçu cette formation dans des conditions très difficiles durant 2 ans.

Selon la Directrice, Sr Marie Carmel Mathieu, ces jeunes ont fait preuve de bravoure, compte tenu de la situation sécuritaire du pays, spécialement de la zone de Carrefour-Feuilles.

On a débuté la journée avec une messe d’Action de Grâce, présidée par le Révérend Père Pascal Phanord, Prêtre Oblat Marie Immaculée. Il a laissé trois conseils pratiques aux jeunes :

  • Dans la vie, il faut toujours avoir un Projet/une vision
  • Il faut une volonté pour réaliser ce Projet/cette vision
  • Ensuite, chercher les moyens

L’Evangile de ce 4ème dimanche de l’Avent est bien approprié à ce jour de graduation. Marie, comme servante du Seigneur, fait la volonté de dieu. Elle est jardinière au jardin de Dieu. Elle est fleuriste au salon de Dieu. Elle est couturière puisque c’est elle qui a cousu la robe que portait Jésus  à la passion. Marie apporte de la joie par sa présence et son savoir-faire. Marie peut être modèle pour ces jeunes professionnels. Le Père a continué son homélie pour dire aux jeunes : comme spécialiste en Art culinaire, en Art Floral et en couture, vous devez apprendre à servir comme Marie. Que votre chemin soit guidé par la sagesse et la bienveillance!

Ecoutons le parrain de la Promotion « Aurore »qui veut partager avec vous ses impressions. Il s’agit de M. Odonel PIERRE-LOUIS, Docteur en Philosophie

Ce qui a capté mon attention, c’est la réalisation des activités para-professionnelles exécutées talentueusement comme des défilés de mode, des plats et cocktails, des danses et chants, des performances de décoration et de deux pièces de théâtre. Celles-ci constituent fondamentalement les propos de cet article. Ces deux pièces, exécutées en une seule, écrites par le normalien supérieure, Djimy PETIOTE, professeur de lettres modernes et mari de l’une des récipiendaires, nous proposent trois tableaux : Naissance du sauveur et la vierge pieuse, les préjugés contre les femmes et ses conséquences, la nécessité de faire communauté entre femme et homme: l’apport du centre professionnel Laura Vicuña dans la vie des deux sexes.

« Le Sauveur est né »

Dans le premier tableau, il s’agit d’une recherche. Un personnage tenant en main une bougie et la question unique fut « que cherches-tu? ». Cette question a été répondue par plusieurs personnages (femmes) par alternance : « le nord, l’or du temps… » avec des regards qui se promènent dans tous les sens exprimant un suspens. C’est alors que la vraie réponse semble surgir par l’un des personnages : « Le soleil éternel L’élue du Seigneur! La plus pure ! La plus belle d’entre les femmes ! La sainte vierge…» Sa grossesse fut présentée comme un miracle et la naissance du sauveur comme un espoir pour l’humanité « il (le sauveur) est parmi nous… (Minuit chrétien  par tout le monde) ».

Au fond, La vierge constitue un miroir à travers lequel le monde peut contempler l’importance de la femme. Une vie pieuse et vertueuse lui permettant d’être la mère du Sauveur du Monde. Est-il juste et légitime de vénérer le Fils et de négliger la mère? On reconnait l’arbre à ses fruits, dit-on ! Cela vaut ce qu’il vaut : être la Mère de Dieu sur Terre vaut plus qu’un « je vous salue »!

La Noël symbolise la naissance du Sauveur et la pièce nous rappelle le comportement à avoir pendant cette période: « Plutôt fumer, boire et danser allons allons, allons, pressons le pas… Recueillons-nous sagement ». C’est une période de méditation et de réflexion liée à la commémoration de la venue de Dieu-Homme sur terre en passant par une femme. Elle précise que le moment est à l’union et l’harmonie, au partage, à l’amour, « Ensemble (tout le monde)

Frères, sœurs, vieux, jeunes, riches, pauvres donnons-nous la main, aimons-nous enterrons la hache de guerre faites le bien, faites le bien… »

Préjugés contre les femmes et ses conséquences

Ce deuxième tableau de cette œuvre dramatique nous donne à voir un anti-reflet de la vie de la femme dans la société haïtienne. En effet, dans les préjugés, la femme haïtienne est susceptible d’être confinée dans sa condition de femme au foyer ou d’épouse avec des talents culinaires qu’elle doit faire montre avant d’y arriver. Ce tableau met avant cet aspect général des préjugés : «  Tifi ki pa konnen lave pase, chita kay manmanw … » Le problème ici, c’est que cette obligation ne s’adresse pas à junte masculine. Cette injonction semble assigner un rôle de servante ou de dame de service à la femme qui aura à prendre soin de ses enfants et de son mari. Ce tableau touche un aspect du manque d’autonomie que cela peut créer chez les hommes en se croyant libres et émancipés de certaines tâches de la maison assignées à la femme. La question d’émancipation de l’homme et de la femme, l’équité de genre voire l’égalité des sexes sont pointés du doigt dans cette partie de la pièce.

«  Malgre mwen adwat mwen agoch, lave, pase, fè timoun etidye, bourike : wi mwen tande’m pa gen dis dwèt  (toutes les femmes montrent leurs dix doigts) ».

Au même moment apparaît une femme élégante, clef de voiture en main  (lève les mains au ciel et énumère) : « Dieu trois fois Saint, je paie le loyer, je bosse dur, je supervise les dames de service, je ne contredis pas mon homme… que faire encore ? ».

La femme était mineure par la loi haïtienne. Le décret de 1982 a consacré son émancipation juridique mais, c’est connu de tous, elle n’exerçait pratiquement aucune fonction sociale essentielle si ce n’est qu’être une première dame extravagante entre autres. Du point de vue culturel, seules celles qui sont issues des couches supérieures de la société ont accès à un certain savoir. À noter que ce savoir n’était pas émancipateur par rapport aux préjugés qui pèsent lourd. Ces derniers touchent toutes les couches sociales et le deuxième tableau l’exposent assez clairement : « Femmes jusqu’au bout des ongles, femmes au bureau, femmes au marché, femmes, toutes portent le poids de la famille… ». Porter le poids de la famille renvoie à l’expression ‘’fanm poto mitan’’. Ce dernier est une expression créole qui désigne le poteau central dans le temple vodou à travers lequel tous les Loa (les esprits) descendent. La femme haïtienne est vue comme ce poteau central, ce pilier sur lequel repose la famille : elle y est le sacrifié au bénéfice des autres. Les préjugés ont pour conséquence extrême le sacrifice assigné a priori à la femme dans la société haïtienne. Telle serait l’essence d’une bonne mère. « Malgré le dépassement, malgré le courage, malgré les sacrifices, malgré, malgré, mm, mm, mm, …

Les femmes sont la proie de réprimandes ! Une vie de femme n’est jamais facile ! ».

Nécessité de faire communauté entre femme et homme : l’apport du centre professionnel Laura Vicuña dans la vie des deux sexes.

Le troisième tableau met en valeur l’union, l’harmonie de l’homme et de la femme en vue de faire communauté. S’il est vrai que les femmes représentaient au moins quatre-vingt-dix pour cent des récipiendaires, le public était également composé de parents, de proches et d’amis et fait apparaître, de façon très nette, que les femmes constituent, à une très forte majorité, la clientèle la plus active et nombreuse. La présence d’au moins de cent femmes, lors de cette représentation, est un phénomène intéressant. « Le poète a sans doute raison : la femme est l’avenir du Monde! »

L’accent est mis sur la nécessité pour les deux sexes d’apprendre un métier. Ce dernier s’avère être émancipateur dans une société où les études coutent cher. Or, le Centre professionnel Laura Vicuña offre aux femmes et aux hommes des métiers variés (carrelage, cosmétologie, couture, cuisine et art floral…) et ils/elles n’auront qu’à verser une infime contribution. C’est dans cette optique que la pièce fait l’éloge de ce centre. « San dis dwèt se metsin chwal ! gason ak fanm ka mete men tou medam. » Ce troisième tableau insiste sur la nécessité pour qu’une femme soit bien formée et sur la formation également des hommes. Cela dit, l’invitation est lancée aux hommes et aux femmes :

«  Jèn gason kou jèn fanm nou tande nouvèl la ! pa rete fè plen kwen, pwoche, mache, kouri vini enskri nan lekòl professionnel Laura Vivuña, nan rue du Chili, nan kwizin, dekorasyon, kouti, karelaj, kosmetoloji.. Courage, lumière, force aux Sœurs Salésiennes !  »

Le centre professionnel constitue un atout considérable pour la formation des hommes et des femmes et facilitera l’émancipation des deux sexes. Apprendre un métier peut déconstruire les préjugés assignés aux femmes et hommes. Une société se construit avec l’apport des deux sexes. Ces derniers nourrissent l’espoir et l’espérance à la fois du centre et du pays qui se meurt. C’est ce qui fait tout l’agrément de ces pièces qui font jaillir la lumière sur des réalités vécues dans la société haïtienne et qu’on a tendance à oublier.

 

Partager: