Sr Maria Vanda, Directrice de la Communauté de Mornèse lance une nouvelle rubrique pour faire connaitre la première communauté. Elle nous présente aujourd’hui l’histoire surprenante de Corrina Arrigotti.
Corinna Arrigotti
Née à Tonco dans la province d’Alexandrie le 29 octobre 1855, elle perd bientôt sa mère, qui est la sœur de l’entrepreneur de la route entre Mornese et Gavi.
Son père l’expose à de graves dangers, la conduisant de fête en fête : Corinna est jeune, belle, instruite.
Le père est très opposé à la religion; son beau-frère ( l’entrepreneur) lui dit qu’à Mornese sa fille pourra continuer à étudier le piano, sans aucun frais car, pendant ses études, elle pourra donner des leçons à d’autres filles. Le père, boutiquier et organiste, tombe dans le filet de l’ambition et des gains et, heureux que Corinna, sans alourdir les finances de la famille, puisse étudier, la conduit à Mornese lui-même.
Nous sommes le 22 janvier 1872. Elle est reçue en grande fête, même si, avec son luxe, elle apporte à la Maison de l’Immaculée Conception (c’est le nom de la maison où Marie Dominique et ses compagnes ont commencé à vivre ensemble) une vanité jusqu’alors inconnue.
Le père est conquis par la cordialité de l’accueil ; il ne remarque ni la simplicité de ces filles ni l’extrême pauvreté dans laquelle elles vivent.
Le piano de la Maison Immaculée est presque toujours fermé, car le neveu de Don Pestarino, qui le joue, est absent presque toute l’année de Mornese. Enfin maintenant, il recommence à jouer.
Corinna est naturellement ardente, gentille, mais têtue, belle et vaniteuse. Mais le cœur est bon. EIle s’adapte assez vite à la prière commune, ainsi qu’à prendre moins soin de sa propre image, mais elle ne veut vraiment pas se confesser « elle n’a pas voulu raconter au prêtre les bêtises de sa vie passée ».
Mère Mazzarello est vigilante pour que les autres n’aient pas un mauvais exemple… elle prie et entoure Corinna de soins affectueux pour gagner son cœur. EIle lui rappelle tendrement sa mère, la fait parler d’elle, partage la douleur de ce vide d’affection.
Enfin Corinna, frappée et émue par l’art éducatif de Mère Mazzarello, parvient à démêler sa conscience complexe.
Le 5 août 1872 elle est déjà novice, mais pour faire les vœux elle dut demander la permission à son père, étant encore mineure. Le père vient à Mornese avec ses sœurs pour la ramener à la maison. Il faut obéir au père, mais on essaie de lui faire comprendre que la fille va bien au Collège et qu’elle pourra toujours y rester pour le bien de sa santé. Le père accepte, en effet, il écrit sur un bout de papier : « J’accepte tout ce que veut ma fille ». Cependant, le doute surgit qu’il n’a pas compris que sa fille a déjà l’habit religieux.
Elle prononce ses vœux le 5 août 1873.
Le soir du 24 mars 1874, arrive le père de Corinna, impétueux comme toujours et plein de colère. Il avait écrit qu’il voulait sa fille à la maison. Elle lui avait dit qu’elle était heureuse ; mais lui, emportant avec lui l’habit profane, vient aussitôt la prendre. Il dit que sa famille n’a jamais été religieuse et qu’avant d’avoir une fille religieuse, il préfère la voir morte…
Quand vient le temps de déposer l’habit religieux, Corinna ne lève pas le petit doigt. Elle se laisse déshabiller et habiller.
Quand l’heure du départ est venue, elle part derrière son père, accompagnée des larmes de toutes les sœurs. EIle a passé deux nuits à pleurer et à prier, elle n’a plus la force de marcher. Et pourtant, dès qu’ils quittent le village, le père et la petite sœur Ida montent un âne loué par Don Pestarino tandis que Corinna, qui a de la fièvre, doit les suivre à pied.
De loin, Corinna écrit en secret. Elle demeure ferme dans les engagements de sa vie consacrée.
Afin de distraire sa fille de ses engagements, le père a mis en œuvre des épreuves inédites : gifles, humiliations, paroles futiles, faim, interdiction d’aller à l’église, de prier, d’écrire à Mornese. Sœur Corinna n’a jamais mis les pieds hors de la maison, elle ne reçoit jamais de visites ; elle est isolée de tout le monde dans la même famille, et les gens se demandent, stupéfaits, pourquoi Corinna ne va même pas à la Messe. En attendant, elle a la consolation d’assister son grand-père mourant et de l’inciter à recevoir les Sacrements.
L’oncle ( l’entrepreneur) averti par Don Pestarino de la souffrance de Corinna, se rend chez Tonco et parvient à l’éloigner de son père, apportant ses raisons de blâme et se concentrant toujours sur l’intérêt économique. Le père abandonne et déclare qu’il ne la reconnaît plus comme sa fille. Corinna s’agenouille devant lui, demande pardon et promet de toujours prier pour lui.
EIle peut retourner à Mornese, heureuse, mais désormais épuisée en force. EIle veut se mettre au travail tout de suite, mais elle ne peut pas se lever. Elle ne peut pas manger; il faut presque l’accompagner se promener. La souffrance a tué la force de sa jeunesse.
Elle n’a pas encore vingt ans et meurt le 5 juin 1874 en disant : « Je meurs heureuse parce que je suis Fille de Marie Auxiliatrice ».
L’amour c’est plus fort que la mort.
Mornese, 13.11.21
Sœur Maria Vanda Penna